Voyage en terre inconnue : QUEHUECHE
Départ tôt d'El Remate, pour de nouveau 4 heures de route en direction du sud ouest. Mon chauffeur est le frère de celui d'hier, ils se ressemblent comme des jumeaux, mais celui-ci est plus sympa !
Nous arrivons dans le département d'IZABAL dont la capitale est Puerto Barrios sur le bord de la mer des Caraïbes, dans le tout petit port de Rio Dulce, et là j'embarque dans un canot à moteur (je suis toujours toute seule) pour descendre le Rio Dulce qui devient plus loin, quand il s'élargit, le « Golfete » puis encore plus loin, le grand lac IZABAL. Le parcours qui dure une heure et demie est magnifique : c'est une zone préservée. D'innombrables oiseaux de toutes espèces, une végétation luxuriante sur de petites collines et bientôt des falaises. J''aperçois des femmes qui lavent leur linge sur les rives. On se croirait sur la Nam Ou au Laos. Contrairement aux eaux du Mexique qui étaient jaunes, celles-ci sont vertes. Par endroits, on fait une pose pour constater la chaleur de l'eau de cénotes en buvant un coca que j'offre à mon batelier !
Départ en bateau de Puerto Barrios sur le Rio Dulce, direction Livingston.
Et j'arrive à LIVINGSTON , une ville de 12 000 hab. située sur le bord de la mer des Caraïbes, où les gens sont noirs de peau, car descendants d'esclaves déplacés ici par les espagnols et les anglais : les Garifundas.
Le chef de la communauté Quehueché, Juan, et sa femme m'attendent au débarcadère pour m'installer dans un camion en ferraille. Je m'assoie par terre derrière avec toujours "mimi" sur les genoux … car une demi-heure de brousse sur un chemin complètement défoncé et inondé ! Pas de bol il pleut sans arrêt depuis 2 jours et ça va continuer....
La grande aventure commence : je suis un peu effarée de voir ce village de la communauté Quehueché (nom de la zone rurale), dans laquelle je vais rester 4 nuits …Voici l'entrée du village de la communauté :
La population de Quehueché, très pauvre comme toutes les zones rurales du Guatemala, vit de l'agriculture et n'a pas accès à la santé publique, ni à l'éducation. C'est pour cela qu'en 2001 un groupe de 19 familles a décidé de construire son propre éco-lodge, avec le soutien de l'association Ak'Tenamit : une structure d'accueil avec 4 chambres ( il n'y en a que deux de finies aujourd'hui), avec wc et douche commune, un peu plus loin dans un coin de forêt.
Les habitants, les KEKCHI, sont un des groupes ethniques du Guatemala appartenant au peuple Maya. Originaires du département d'Alta Verapaz, dans le centre du Guatemala, ils ont été chassés de leurs terres par une guerre civile de 30 ans, et ont dû se refugier dans la jungle d'Izabal. Beaucoup d'entre eux ont été exterminés ou perdirent leur terres. Selon la cosmovision des Maya Kekchi, toutes les parties du monde se tiennent dans un équilibre parfait, qu'il importe de préserver. L'homme y a sa place à côté et non au dessus des animaux, des plantes, de l'eau, de l'air , des montagnes ... Après des siècles de discrimination, ils essaient de retrouver leur fierté et leur héritage : danses et musiques traditionnelles, légendes racontées par le prêtre, cérémonies diverses...
A vrai dire, depuis que je suis ici, je suis effarée par leur grande pauvreté, leur conditions de vie qui me semblent - à moi - si difficiles, le manque d'hygiène surtout.
Les cabanes « U Najil » du Mexique, à côté, c'était 5 étoiles sup.
De la boue partout, pas de serviette, pas d'eau chaude, pas de savon, pas un seul porte manteau… j'accroche mes affaires à un bout de palme qui dépasse du toit...pas de couverture, un seul drap, et en plus, comble de malchance, il pleut sans arrêt depuis 2 jours, donc la nuit pour aller aux toilettes dans le noir et la boue … je ne vous raconte pas !! du coup, j'ai trouvé un sceau en plastique qui traînait par là et je l'ai mis dan un coin de la « chambre » ! j'ai demandé une paire de bottes en caoutchouc pour pouvoir marcher dans la boue du chemin et décidé que je serai SALE pendant quelques jours et voilà ! BASTA je n'en mourrai pas ... Les femmes et les enfants, eux, ont trouvé la solution : ils marchent pieds nus.
Si j'ajoute à cela que les gens ici ne parlent pas espagnol, que je n'ai plus de guide ni d'interprète, que je suis complètement seule perdue dans cette jungle dégoulinante … Je les vois partir le matin avec leur machette à la ceinture, ils n'ont pas le temps de s'occuper un peu de moi, ils ont d'autres choses à faire!
C'est vraiment « aventure en terre inconnue » … Je savais bien que ça m'arriverait un jour ou l'autre : et bien voilà, it's done !!
J'ai visité leur église (catholique), l'école, et leur salle de réunion qu'ils appellent le "salon". Cette communauté est aidée par plusieurs organisations sociales. Actuellement ce sont les "grandes vacances" pour les enfants: novembre et décembre. La majorité des enfants de la communauté quitte l'école à 13/14 ans.
Hier, ils m'ont réservé une surprise : « une cérémonie » à la fois traditionnelle, religieuse et de bienvenue : ils ont tous « prié pour moi, pour que mon voyage se passe bien, et que j'ai une bonne vie » … en jouant de la musique (très belle) sur un marimba, les femmes ont dansé en jupe traditionnelle, celles qu'elles portent toute la journée … ils ont prié ensuite tous autour du feu (décoré d'une symbolique bien précise : soleil, vent , terre) avec une ferveur qui m'a surprise. Je n'ai pas osé prendre trop de photos.
ll pleut depuis 4 jours sans discontinuer, et l'air est très lourd, humide, chaud … un peu comme à Hong Kong lors de la mousson, les draps sont tout humides le soir … j'ai vu une couleuvre dans ce qui sert de salle de bain hier soir … mais dès que je suis entrée elle a disparu !
Voilà, demain départ pour le sud : ANTIGUA où si, tout se passe bien pour nous deux, je devrais retrouver Gilou …
Mais le lendemain : je suis toujours là ! Je me suis en effet trompée de jour : nous ne sommes que le 16 et non le 17 comme je croyais (normal en voyage je perds toujours la notion du temps !)....
Un jour de plus à passer avec les Kekchi (qui parlent le Kekché), ce qui me donne l'opportunité de voir comment le maïs est moulu : toutes les femmes arrivent vers 16 h avec leur seau de maïs à moudre : chacune à leur tour, elle le verse dans une machine électrique manipulée par un jeune homme qui la fait tourner en versant un peu d'eau qui coule sur les graines, la « farine » est ramassée à la main par sa « propriétaire » … puis c'est au tour de la suivante. Chacune s'en va avec son seau de farine qui servira à faire les tortillas. Le maïs et les haricots rouges ou noirs sont les seuls aliments cultivés par les Kekchi. Je comprends pourquoi depuis 4 jours on ne me sert que maïs et haricots noirs, accompagnés de tortillas ! Parfois une petite tomate coupée en quatre et un poisson pêché dans la rivière ou un morceau de poulet « élevé en plein air » hé oui :) absolument délicieux.
Je comprends aussi pourquoi les hommes partent travailler très tôt le matin, pourquoi les gens font leur toilette l'après-midi dans la rivière : c'est tout simplement parce qu'après, dès 18h il fait nuit ! et sans lumière c'est difficile ...pas aussi bête que moi qui le premier jour suis allée prendre ma « douche » vers 19h, dans le noir, en maillot de bain et en tongue, et qui ai beaucoup galéré pour éviter de glisser sur les cailloux et me laver à la lampe torche sous l'eau froide ! Donc ici tout le monde se lave et lave son linge en milieu d'après midi.
Les femmes ici ne tissent pas leurs vêtements : elles achètent le tissu à Livingston. Elles sont toutes habillées de façon identique : jupe en tissu aux motifs traditionnels et petit débardeur coloré en synthétique.
J'en ai profité aussi pour aller passer une journée à Livingston (comme la ville des USA, où habite Jim Harrisson), où il n'y a pas grand chose à voir hormis les tissus ci-dessus. Presque tous les gens sont noirs, on se croirait en Afrique !
Dans l'ensemble les gens de la communauté ont l'air très tristes, ils semblent s'ennuyer … bien qu'ils travaillent beaucoup … c'est difficile à comprendre. En tout cas, ils ne se sont guère occupés de moi, me laissant seule pendant tout mon séjour (hormis la petite « cérémonie » … dont j'ai appris d'ailleurs par la suite … qu'on la faisait pour accueillir les voyageurs !). Je dois dire que, s'ils ne sont pas antipathiques loin de là,, ils sont pour le moins indifférents au voyageur étranger ...un peu décevant quand on fait tant d'effort pour venir les voir.
Mais peut-être y a-t-il une autre explication : nous sommes d'un autre monde , un monde qui n'est pas le leur, les effraie, et en plus ils sont très timides ... donc ils n'osent pas.
J'ai montré le fonctionnement de mon appareil photo à une jeune fille qui n'avait jamais vu ça : elle était fascinée de se voir sur l'écran
... les jeunes enfants ne s'intéressent pas à grand chose (et pour cause !, ils n'ont rien, pas un livre) , quelques uns me semblent pourtant très intelligents comme cette jeune fille ... d'autre beaucoup moins.
Bref, je m'interroge sur l'intérêt pour eux comme pour moi d'être venue ici... sinon bien sûr leur apporter un peu d'argent ...
En tous cas, j'aurai fait la connaissance des Kekchi, le 4ème peuple indigène maya le plus important (environ un demi million d'individus au total), après les Quiché, les Cakchiquels et les Mams, qui me semble totalement à l'abandon dans le pays.
Le lendemain, le bon cette fois, me voilà repartie à 7h du matin sur le chemin encore plus boueux que d'habitude car il a plu toute la nuit, vers Livingston, puis bateau jusqu'à Puerto Barrios, puis voiture avec guide-chauffeur francophone s'il vous plaît, pour descendre la seule grande route nationale du pays jusqu'à la capitale : Guatemala City, et Antigua 50km plus à l'est.
Ce guide : Oscar, je m'en souviendrai : un vrai clown! : 8h de route et je n'ai pas vu le temps passer ! Il parle français en imitant "l'accent parisien" c'est à mourir de rire, il me mime avec beaucoup d'humour, ses excursions avec de grands groupes de français râleurs éternels....
Les paysages sont magnifiques, la "route de l'Atlantique", toute droite, bondée de camions qui, paraît-il, transportent pour beaucoup de la cocaïne venue de Colombie direction la frontière des Etats Unis, traverse le département de Zacapa, entre la Sierra de las Minas (les mines de jade), et le plus long fleuve du pays, le Rio Motagua. On arrive dans la région des Hautes Terres et l'Altiplano se dessine au loin :
En chemin nous nous arrêtons sur le site archéologique de QUIRIGUA, inscrit au Patrimoine mondial, perdu au milieu d'immenses bananeraies, ancien royaume du "rey de la tormenta tropical" l'ennemi du roi de Copa, qu'il a fini par vaincre : le roi de Copa ayant perdu au jeu de la pelote fut exécuté sur le champ. Les plus hautes stèles mayas du pays qui retracent la vie du roi de la "tormente tropical" - 17m de haut - se trouvent ici à Quirigua. Ainsi qu'un immense ceiba, dont les racines profondes représentent l'inframonde, le tronc, la terre et la puissance, le haut feuillage, le monde céleste. De nombreux serpents, à plume, des quetzals symbolisent la résurrection, le passage de la terre au ciel.
J'en profite pour demander à Oscar (un guide génial), ce qu'il pense de la "fin du monde" : son interprétation est intéressante : selon lui, le 21 décembre 2012 sera la fin d'un cycle de souffrance pour une autre vie meilleure, plus humaine, plus spirituelle. Un peu comme la femme qui accouche : c'est la souffrance, puis la délivrance, puis le bonheur. Selon les chamans qui exercent aujourd'hui une grande influence sur les mayas, et les astrologues, nous allons passer de la nuit galactique au jour galactique : ce jour là, 21 décembre 2012, la terre, la lune et le soleil seront alignés avec notre galaxie, la voie lactée. Le monde sera alors nettoyé de toutes les choses négatives et la conscience humaine sera plus pure . Oscar compare aussi cet évènement à la mort du Christ sur la croix, qui a versé son sang pour purifier le monde : de l'ère du Poisson (celle de Jésus et symbole chrétien), nous allons passer à l'ère du Verseau : nous allons donc changer d'ère astrale. Un peu confus, mais Oscar y croit vraiment .