31-8 : Conclusion sur l'Ouzbekistan
L'Ouzbekistan fut une vraie découverte, un pays différent de tous ceux où j'étais allée auparavant... intéressant donc à plus d'un titre, surprenant et attachant.
Intéressant par ses très beaux monuments à Tashkent, Shabrisab, Boukhara, Samarkand... qui permettent de mettre des réalités sur l'imaginaire collectif de ces "Perles de l'Orient", l'histoire longue et complexe ainsi que la culture et la religion de cette région.
Monuments magnifiques, impressionnants par leurs dimensions et la beauté de leur décoration.
Cependant ils se ressemblent tous beaucoup - pierres d'argile beige et mosaïques à dominante bleue - on peut s'en lasser assez vite si on n'est pas un "pro" de l'architecture. Leur restauration flambant neuf peut aussi apparaître parfois trop clinquante, artificielle. Le tourisme est en pleine expansion, plus de 15 000 visiteurs français en 2012, et ils se débrouillent très bien pour nous recevoir! Mais les touristes étrangers ne sont pas les seuls car ces monuments sont aussi très prisés les Ouzbek.
Pays attachant surtout lors de nos séjours en campagne, chez l'habitant.
Là aussi j'ai découvert un autre monde : magnifiques paysages désertiques, de steppes, de moyennes montagnes et surtout des villages très authentiques, des maisons de pisé, très modestes, des troupeaux qui se déplacent en toute liberté (chevaux, ânes, moutons au pelage noir, chèvres ...), des gens toujours heureux de nous voir, très chaleureux et très accueillants. Nos hôtes se sont toujours "mis en quatre" pour nous faire le meilleur accueil possible et l'on s'est aperçu une fois de plus, que la langue n'est pas une barrière entre les hommes : on se comprend par gestes, par regards ... qui en disent parfois plus long que des paroles..., et le courant passe. Je me sens à chaque fois un peu plus "citoyenne du monde" ...
C'est là surtout, en partageant la vie quotidienne de ces familles, que nous nous sommes rendus compte de la situation très "en retrait" de la femme ouzbek musulmanne, qui même lorsqu'elle elle travaille à l'extérieur - comme institutrice par exemple - reste très "dicrète" et ose à peine entrer dans la pièce où l'on déjeune ! Elles ne partagent les repas que lorsqu'elles sont en famille. Les mariages sont encore plus ou moins arrangés et elles partent vivre ensuite chez la belle-mère. La majorité des femmes sont cantonnées à la cuisine, au ménage, à l'éducation des enfants, et à la culture du jardin. Dans les villes, ce sont elles qui nettoient les rues au balai. Il n'y a qu'à Samarkand, lors de notre dernier dîner dans un restaurant "branché", que nous avons eu une autre image de la nouvelle génération : des jeunes filles dansaient le rock en mini jupes!. Dans les rues des grandes villes, quelques femmes en robes courtes, mais c'est rare.
Dans les campagnes, les familles vivent pratiquement en autarcie, autour de leur jardin et de leurs animaux qui leur fournissent légumes, lait et viande. Ils passent beaucoup de temps à s'occuper des canaux de dérivation de l'eau des rivières, pour eux essentiels, car l'eau courante n'existe pas dans les villages reculés. L'électricité est souvent coupée en soirée. La nourriture, se limitant aux récoltes de saison - c'est pas plus mal! - est peu variée et souvent grasse. Beaucoup de riz. Mais j'y attache, personnellement, peu d'importance .
La grande majorité des gens est manifestement très pauvre. On s'en aperçoit dès que l'on s'éloigne des centres touristiques des grandes villes : ruelles en terre battue, maisons en pisé souvent très dégradées. Les salaires sont très faibles : une institutrice gagnerait selon ce que l'on a compris à peine 200 dollars par mois, le salaire moyen étant d'environ 380 dollars.
Une autre caractéristique des Ouzbek en général : leur incroyable humour... et nous en avons profité au maximum - car ce n'est plus vraiment le cas chez nous, c'est le moins que l'on puisse dire ! - avons beaucoup ri tout au long du voyage ! Et ça, je dois dire que je ne m'y attendais pas du tout... mais que c'est bon !
La gentillesse, l' humour, l' exubérance des Ouzbeck , peut être teintée, parfois, si l'on y fait bien attention, d'un certain fatalisme ou de lassitude.
Ces gens sont courageux.
Car la transition entre Communisme officiel et Démocratie proclamée depuis l'Indépendance en 1991, est manifestement difficile. Nous en avons été les témoins.
Bien sûr, comme d'habitude, pas de commentaires sur ce sujet délicat.
Cependant, au gré de nos rencontres, nous avons pu perçevoir des avis très nettement partagés :
Certains disent que le pays est communiste (!) d'autres que non, que c'est une démocratie (!) ... En fait ceux qui qualifient encore le régime de "communisme" entendent par là "dictature" ... ou pour le moins "oligarchie" ...
Certains sont carrémment nostalgiques du passé en expliquant qu'alors la vie était plus facile (logements attribués gratuitement sur simple demande, santé prise en charge, emploi assuré ...etc ), d'autres semblent ravis de pouvoir enfin donner libre cours à leur ambition créative et faire du business. Entre les deux, la séparation est claire : ceux qui sont satisfaits sont les plus riches au départ et sans doute ceux qui bénéficient de "laisser passer" administratifs.
Parmi les autres, certains vont jusqu'à souhaiter quitter le pays. C'est ce que fait de plus en plus la jeune génération qui part étudier ou travailler à l'étranger (Angleterre, USA). Mais partir, n'est pas facile! Même pour partir quelques jours comme touriste en France par exemple, il faut faire partie de certains secteurs de l'économie, par exemple le tourisme ou les affaires. Et encore, même dans ce cas, l'épouse n'obtiendra pas de visa et le mari devra partir seul .
La transition, la période de "gradualisme" comme l'a qualifiée le président Karimov, n'est donc pas finie, elle sera longue et difficile, car pour bien repartir dans une économie plus ou moins libérale il faut avoir... de l'argent au départ. Sinon, on végète, on survit. C'est le cas de bien des gens ici. L'économie parallèle se développe à mesure que les salaires réels, lorsqu'ils sont payés, se réduisent, favorisant les trafics en tous genres, d'autant plus que beaucoup de secteurs sont encore sous la main mise de l'Etat : le coton, les richesses du sous-sol... Il faut souvent exerçer plusieurs activités à la fois, pour arriver à vivre. De puissants réseaux semblent alimentés par les mafias. La "nomenklatura économique" actuelle ne s'inscrirait-t-elle pas dans la "nomenklatura politique" du précédent régime ?
La valeur de la monnaie est aussi devenue clairement un problème : le soum n'a pas de valeur offcielle semble-t-il, c'est selon ... il varie au gré des échanges, qui se font par liasses impressionnantes puisque 1 euro vaut 2683 soums (1000 soums valent environ 30 centimes d'euro), et que seuls les billets de 1000 soums sont utilisés -quelques billets de 500 aussi- . Cette monnaie n'est plus adaptée aux transactions les plus courantes. Une réforme est envisagée à cet égard.
Ce qui frappe encore dans ce pays "démocratique", c'est l'absence quasi totale de journaux d'information, voire d'informations. Les seuls journaux que j'ai pu voir, je les ai trouvés au bazar de Samarkand. Je les ai tous feuilletés avant d'en acheter un : publicités, festivités, manifestations à la gloire des élites et des acteurs en vogue ... sinon, rien. Un manque total d'informations économiques ou politiques nationales et internationales.
Ce qui marque également le voyageur occidental, c'est le grand nombre de "contrôles" à tous les points estimés "stratégiques" : tels, sur la route, les passages d'un district ou d'une région à une autre, où tous les numéros d'immatriculation des voitures sont relevés. Pour quel usage ?
Un grand nombre de policiers aussi, un peu partout. mais ça, après tout, c'est pareil chez nous ... je ne suis pas sûre que notre pays aujourd'hui soit plus "sûr" justement, que l'Ouzbekistan...En tous cas, même s'il est vrai que nous étions "sur-protégés" par notre guide et notre chauffeur, qui ne nous ont pas "lâchés d'une semelle" (une autre expression à noter dans ton petit carnet Bakhrom ), je n'ai jamais ressenti de danger quelconque.
Ces contrôles qui nous semblent, à nous touristes, excessifs sont sans doute justifiés par la crainte de l'infiltration des extrémistes islamistes qui ont déjà commis là bas beaucoup d'attentats et de dégats. D'ailleurs actuellement les frontières avec le Kirghistan et le Tadjikistan sont fermées.
Quant aux relations internationales, difficile à apprécier pour nous. L'Ouzbékistan est le carrefour naturel de l'Asie centrale, ce qui en fait un point stratégique pour tous, y compris la France qui renoue des relations qui avaient disparues après l'embargo de 2005, suite aux évènements d'Andijan et à la répression des autorités ouzbek, jugée excessive : M. Fabius s’est rendu en Ouzbékistan le 2 mars 2013, effectuant le premier déplacement d’un Ministre des Affaires étrangères français dans ce pays. A cette occasion, il a été reçu par le Président Karimov. La visite a également permis de relancer les relations économiques bilatérales.
D'après le Ministère des Affaires étrangères, la situation des droits de l’homme demeure préoccupante en Ouzbékistan et la France évoque régulièrement ces questions avec les autorités ouzbek, tant dans un cadre bilatéral que dans le cadre européen et celui des instances multilatérales. Des progrès ont été enregistrés à partir de 2008, notamment la suppression de la peine de mort, la libération de défenseurs des droits de l’homme et l’introduction d’un habeas corpus. L’UE a exprimé dans ses conclusions du 27 octobre 2009 et du 25 octobre 2010 ses préoccupations et ses attentes, notamment la libération de tous les défenseurs des droits de l’homme et prisonniers d’opinion maintenus en détention, la libre activité des ONG, la coopération avec tous les rapporteurs spéciaux des Nations Unies, la garantie de la liberté d’expression et de la liberté des médias, la mise en œuvre des conventions contre le travail des enfants et la réforme des procédures électorales.
Bref, l'Ouzbékistan, comme tant de pays qui "sortent de l'impasse", est en bonne voie ...
C'est en tous cas un pays très attachant : jamais je crois - sauf peut être en Birmanie - je n'avais rencontré des gens aussi gentils, chaleureux, serviables et accueillants. De belles découvertes, de belles rencontres... mais cette fois à quatre, en famille ... Je me suis rendue compte que voyager à plusieurs, c'était "voyager autrement" qu'en solo : je me suis sentie plus en sécurité, plus sereine, moins de solitude parfois ressentie, j'ai apprécié les échanges intéressants sur ce que l'on voit et ce que l'on resssent tout au long de la route, convivialité et rigolade au rendez-vous ! C'était génial !
Il a raison le Piter
Une chose n'a pas changée : l'envie de repartir !
Quelques remarques pour ceux qui voudraient se rendre en Ouzbekistan :
- savoir que les routes sont très très mauvaises, et la circulation en "zig zag" pour éviter les inombrables nids de poule, très difficile et dangereuse!
- que chez l'habitant, mieux vaut avoir sa serviette de toilette et son savon ... peut être son "sac à viande", et sa lampe de poche !
- partir avec une réserve d'argent liquide à changer sur place (euros ou dollars) et tout dépenser avant de partir
- pas de problème de santé particulier, pas de moustiques en avril-mai en tous cas, et une température entre 25 et 32°. Du soleil tout le temps.
- pas de valise cabine au dessus de 5 kg (j'ai dû enregistrer la mienne de 9 kgs)
- wifi dans les grands hôtels seulement (ou les bons B&B)
- les prises de courant sont les mêmes que chez nous
- je conseille de passer par une agence de voyage car les trajets sont longs et difficiles, l'écriture illisible pour nous; Les gens ne parlent que très très peu anglais.
- je conseille enfin de faire le trajet direct : Paris/Tashkent sans passer par St Pétersbourg , très long et très fatiguant.
Enfin, merci à Brigitte Moreau qui nous a très bien organisé ce circuit, en toute sécurité, en tenant compte de nos envies. Nous sommmes ravis ! :
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