Ce matin je vais au marché local de Trinidad : celui où se rendent les cubains quand leur carnet d'alimentation est épuisé. La rue qui y conduit est bordée d'immeubles collectifs dans un état de décrépitude incroyable … sur la place du marché les stands sont rares et presque vides : on y trouve des patates douces, des haricots, des goyaves, des papayes, des oranges moches comme tout (à cause de l'épuisement des sols et du manque d'eau ) des morceaux de cochon, de l'ail, des oignons … c'est à peu près tout. Ce qui ne les empêche pas de faire les clowns, toujours ....
Les vendeurs viennent au marché en cariole.
Des fruits que j'ai découvert là bas : des bananes plantain et des chirimoyas (on ouvre et on mange la pulpe)
Je voulais voir la mer des Caraïbes (à 15 km) avant de partir : j'ai trouvé un vieux taxi « au noir » (plaque d'immatriculation jaune, pas de mention taxi, pas de compteur) conduit par un monsieur de 75 ans qui s'est proposé de m'y emmener pour 10 cuc A/R. La voiture datant de 1940 était déglinguée de partout, j'ai dû monter devant car les portes arrières n'ouvraient pas ! Il devait être un peu sourd car il a mis la musique à fond. Bref, 20 minutes plus tard nous sommes arrivés à bon port au bord d'une mer bleue turquoise. J'ai marché les pieds dans l'eau très chaude. Après une dégustation de sandwich dans un bar de plage, j'ai retrouvé mon « chauffeur » qui m'attendait et nous sommes repartis vers Trinidad, sans problème. Il était très content et moi aussi !
A la « Casa » toute la famille s'est réunie dans le patio et nous avons commencé une longue conversation sur la situation à Cuba. Les grands parents m'ont raconté leur vie, comment, avant la révolution ils étaient propriétaires de 2 haciendas à la campagne, et comment Fidel leur a TOUT confisqué en faisant une liste détaillée de tout ce qu'il leur prenait. Ils se sont retrouvés sans rien, sauf cette maison qui leur est « prêtée » par l'Etat et qu'ils rénovent et entretiennent depuis 1960. Leur seule ressource aujourd'hui pour eux et toute la famille est cette chambre d'hôte. Le grand père en parlant s'est mis dans une colère incroyable, racontant qu'ils ne pouvait rien faire d'autre car tout est interdit, qu'ils n'ont aucune information, aucune liberté.
Là, c'est un autre grand père, assis sur le trottoir, près de l'entrée de la porte de sa maison, dans la rue qui mène au marché :
Et les petits vendeurs de rue, quand ils ont une autorisation :
tandis qu'un monsieur repeint sa maison (toutes les fenêtres sont grillagées comme celle-ci), et qu'un autre, handicapé (il y en a beaucoup ) se risque sur le pas de sa porte :
Les cubains sont – un peu - au courant de ce qui se passe dans le reste du monde, mais sur Cuba, rien. Ils m'ont dit être persuadés qu'après la disparition de Fidel et Raoul,rien ne changera, car la junte qui les entoure ne vaut pas mieux et ça va continuer comme ça.
Comme je leur faisais remarquer que tout le monde me disait la même chose et que je ne comprenais pas pourquoi, dans ces conditions, ils ne se « révoltaient pas » pour essayer de faire changer les choses, ils m'ont dit que c'était impossible : tous ceux qui essayaient de protester, se font tuer, assassiner, ou emprisonner à vie. Ils m'ont confirmé aussi l'existence du marché noir à tout va, et même par exemple en ce qui concerne les médicaments : lui est asthmatique et doit acheter son pulvérisateur au marché noir dans la rue 10 fois plus cher car il n'y a plus de médicaments dans les hôpitaux. C'est vrai que j'ai souvent été surprise de voir, dans un pays réputé pour son bon niveau de médecine et de soins, autant de handicapés et de gens qui s'échangent des pilules dans la rue. Ils m'ont affirmé que la réputation de Cuba en ce qui concerne la médecine est fausse. Il n'y a qu'un seul très bon hôpital à Cuba, c'est l'hôpital international ( celui où Hugo Chavez se fait soigner), mais là il faut payer et les cubains ne peuvent pas y aller. Bref, l'idée que l'on se fait sur la médecine à Cuba serait à revoir. Tous les médecins, qui veulent partent à l'étranger (Amérique latine essentiellement) où ils sont mieux payés, rapportent surtout beaucoup d'argent à Cuba du fait des taxes que les pays d'accueil doivent verser à l'Etat cubain. D'ailleurs leur fille de 15 ans m'a dit qu'elle voulait faire des études de médecine, "pour partir" .
Voilà, il est 18h et il fait nuit noire, demain départ tôt pour un retour à La Havane.
Sur la route du retour il m'est arrivé une petite aventure :
le taxi devait venir me prendre à la Casa, et puis coup de téléphone : c'était à moi de me rendre au grand hôtel de la place centrale où on m'attendait … c'est donc le papy qui a traîné ma valise sur les pavés des rues... je me suis dit que, s'il tenait le coup ainsi que la valise, j'aurais de la chance ! Bref, on est arrivé au fameux hôtel « Trinidad Star » , où dans le hall, un grand gars, noir, très bien fringué et cravaté, pantalon noir et chemise blanche m'attendait : j'ai halluciné : Obama !! … mais non, hélas : ce n'était que son sosie... !
J'ai embarqué dans sa très belle et grosse voiture blanche, vitres teintées, clim, et tout et tout … de quoi se prendre pour la vraie "Princesse de Cuba" conduite par Obama en personne ! D'ailleurs le Obama en question s'est révélé être un véritable « charlatan » qui n'a pas arrêté une seconde de jacasser très fort avec son coéquipier … je me suis dit que ça devait être un sacré numéro ce gars !
Deux heures plus tard, sur la route, le voilà qui freine brusquement, se gare sur le bas côté et fait marche arrière … pour parlementer avec un autre taxi stationné de l'autre côté , de la même compagnie que la sienne (Cubataxi, la compagnie nationale), et qui allait donc vers Trinidad …
et voilà qu'on nous fait changer de véhicule : des anglais, qui semblent aussi ébahis que moi, montent avec Obama, et moi, je suis priée de m'installer dans l'autre ! Tout ça sans explication … hop ! Ils font tous les deux demi-tour, et me voici donc repartie direction La Havane avec mon deuxième chauffeur ! Je perds au change car ce taxi-là est vétuste, et le nouveau chauffeur est loin de ressembler à Obama !!
Il s'arrête à un bar où il n'hésite pas à se prendre une petite bière, et nous poursuivons la route … à 140 à l'heure! Vu l'état de la chaussée et les mauvaises suspensions, j'étais broyée et morte de trouille... Au bout d'une heure, je finis par lui demander timidement s'il n'y aurait pas, par hasard, une limitation de vitesse sur l'autoroute à Cuba : « si » me répond-t-il, 90 !... il baisse alors la vitesse, mais 10 minutes plus tard, l'habitude avait repris ses droits : 140 jusqu'à La Havane où nous sommes finalement arrivés avec 2 heures d'avance sur l'horaire prévue au départ !!
J'ai fini par comprendre : Obama habite Trinidad et l'autre La Havane … donc ils ont changé en cours de route, histoire 1°) de gagner quelques heures de repos « à la maison » et 2°) de faire la moitié d'économie d'essence … qui passera forcément dans leur poche (ou dans leur bidon perso.) ! Et voilà l'affaire est dans le sac !
Cette histoire est un bon exemple du système de « débrouille généralisée » à Cuba.
Pour me détendre, j'ai quitté mon hôtel pour aller dîner à l'hôtel O'Farril où on m'a accueillie à bras ouverts, et où mes chanteurs préférés m'ont fait le plaisir d'une petite chansonnette .
Car je suis pour les 2 dernières nuits à l'hôtel « Los Frailes » ce qui signifie « les religieux », situé près de l'église Saint François d'Assise. Mais j'aime beaucoup moins et pour ceux qui voudraient venir ici je conseille plutôt le premier.
Enfin pour ma dernière journée à La Havane, j'ai voulu changer de quartier et aller voir (à pied 15km eh oui ! ) « Centro Habana ». Pendant 5 heures j'ai parcouru ce quartier très populaire dans tous les sens, en longeant le Malecon à l'aller. Là il n'y a pratiquement aucun touriste. On est en contact direct avec la vie quotidienne des cubains, de leurs immeubles délabrés, des boutiques vides (il est affiché que les libretos sont épuisés jusqu'à nouvel ordre !), des queues interminables devant les 2 mini « super- marchés » que j'ai vus ...et où je n'ai pas pu rentrer car j'avais... un sac à dos. Des personnes de tous âges assises désoeuvrées partout sur les trottoirs...
J'ai rencontré un monsieur adorable qui m'a emmenée dans une communauté culturelle fondée par le plus célèbre peintre de peinture « murale » de Cuba (Alberto Gonzalès que j'ai salué d'ailleurs car il était là).
Voilà en vrac : le Malecon et les immeubles qui le bordent, une rue, un atelier de cordonnerie, les gens qui font les poubelles, l'avis de suspension des carnets d'alimentation, une entrée de maison dans la rue Obispo, une file d'attente devant le "super-market" ... et j'en passe!
Demain réveil à 3h du matin direction l'aéroport pour Cancun au Mexique.
Merci Cuba. Une grand expérience ... mais trop courte ... moi aussi je reviendrai !
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