Trinidad est la plus jolie ville que j'ai vue jusqu'à présent : classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité en 1988, elle le mérite vraiment le détour !
Bourgade paisible de 45 000 ha. bordée au nord par la Sierra del Escambray (ci dessous), un des refuges des révolutionnaires, elle a un charme fou.
Troisième colonie espagnole elle est aujourd'hui comme figée dans le temps : fin 18ème début 19ème, elle fut très riche grâce à son sucre et ses 6 000 esclaves sur une population totale alors de 9000 habitants. C'est à cette époque que quelques très riches familles espagnoles et autres, qui se faisaient concurrence, construisirent des maisons toutes plus belles les unes que les autres, avec de larges patios intérieurs. On retrouve tout ce passé dans le « Musée Romantico ». Magnifiques vestiges du mobilier et objets d'époque, de tous les pays passés par ici.
Puis la ville s'est endormie pendant plus d'un siècle pour revivre grâce au tourisme.
Aujourd'hui, visiter Trinidad, c'est comme faire un bond de plusieurs siècles en arrière à travers les rues et les places de ce joyau colonial, des maisons sans étage avec des toits de bois en pente, aux douces couleurs pastel, roses, bleues, vertes, jaunes, dont les fenêtres sont protégées par des barreaux en "bois roulé" ou plus tard en fer forgé, avec ses chevaux, ses "bici-taxi", ses vendeurs de rues, son artisanat très diversifié, beaucoup d'ateliers de peinture, et bien sûr la danse, le chant, la musique … et tout ce qui fait le charme et l'authenticité de celle que l'on qualifie ici de « plus belle ville du pays »... rien que ça ! :)
Voici ma rue, et la "Palza Mayor" :
Je suis logée pour 3 jours dans une famille : la "casa particular" de la famille Toledo, la Casa Lorente, rue Lino Perez, (25 cuc la nuit) une jolie maison coloniale avec une superbe entrée, un patio verdoyant et une seule chambre d'hôte, la mienne. La maison abrite 3 générations . Il y a Lazaro et Yamillé les parents, Antonio le grand père, la grand mère, et les 2 filles de 15 et 17 ans dont l'une doit partir bientôt pour faire son « service à la campagne » comme tous les jeunes.
La Casa "Lorente" , l'entrée avec quelques fauteuils récupérés de leur ancien domaine et le patio (ma chambre à gauche) :
Les familles qui obtiennent l'autorisation d'ouvrir des chambres d'hôtes doivent reverser à l'état un forfait annuel de 250 cuc.
Le grand père en particulier est vraiment charmant. Quand il m'a vu sortir mon ordinateur portable, il m'a dit que eux, les cubains « de base », n'avaient pas le droit d'aller au centre téléphonique où je me suis rendue hier pour écrire quelques mails rapides. Quand je lui ai demandé pourquoi... il m'a fait le signe de croix sur la bouche.
Ce centre téléphonique, seuls les touristes et les cubains « qui ont une autorisation » peuvent y entrer. D'ailleurs c'est vrai, j'avais remarqué le contrôleur à la porte.
J'ai visité Trinidad avec un guide, excellent, comme d'habitude … Nous sommes allés à la Casa Trova (ci dessous) boire une «conchanchara » l'apéritif local, qui se boit à toute heure de la journée : mélange succulent de miel, de citron, d'eau, et d'eau de vie servi très frais avec des glaçons. En sortant j'avais un peu de mal à marcher sur les pavés inégaux de la rue pleine de trous.
Il m'a expliqué les différents instruments de la musique cubaine (la Changui) : le clave, le maraca, le guiro (ces 3 là à base de calebasse), la contrebajo, les gongoses (petits tambours), la trompeta, la tres (guitare cubaine à 6 cordes regroupées par 2), le cencerro (la sonnaille) … ils ont joué du SON (musique africano-espagnole) qui a donné plus tard la salsa, ainsi que les différentes danses (ou rythmes cubains) dont certaines ont le même nom que la musique : le Son ou Son Montuno, la Rumba plus ancienne dansée autrefois par les esclaves, le Guaganco, la Salsa, le Cha cha cha, et la danse nationale : le Danzon.
Nous avons aussi vu un « santero » un prêtre de la Santeria, entre pratiques animistes, rituel africain, catholicisme et spiritisme. Cette pratique se développe de plus en plus à Cuba. Sans doute à cause de la crise, et du besoin de s'évader. Le santero entre parfois en transe. Les prêtres sont toujours habillés de blanc, leurs cérémonies sont ouvertes au public... Leurs divinités sont très nombreuses. A Trinidad, c'est surtout Yémaya, la déesse de la mer qui est vénérée. Elle est noire, habillée de bleu comme la mer. Si j'avais voulu, il aurait pu me prédire mon avenir, mais je n'ai pas voulu, ça aurait pu me porter malheur !
Mon guide se plaint lui aussi de la pauvreté, du fait que les gens qui ont fait des études, les médecins, les infirmières, les professeurs sont les plus mal payés de la société cubaine, alors que les métiers tels que les marchands quels qu'ils soient, commerçants, maçons etc... sont plus riches grâce au marché noir. Quand je lui demande ce que signifie exactement « marché noir » dont j'entends parler depuis le début de mon séjour ici, il me répond sans détour : le vol. Tout le monde vole (l'employé, le boulanger, le maçon …) un peu de nourriture, de matériel … Il y en a même qui volent l'essence dans les stations services car l'essence est très chère ici : 1,4 CUC le litre, à peine moins chère qu'en France... , ainsi on vole tout ce qu'on peut, pour le revendre au marché noir et gagner de quoi manger. Et tout le monde le sait. Bref, il est plus intéressant d'exercer un métier « où l'on peut voler »... , ou bien travailler dans le tourisme grâce aux pourboires.
Malgré le charme de cette ville, les problèmes sont les mêmes qu'ailleurs, les gens mendient, les femmes demandent du savon, un T-shirt, un peso...
Hier, alors que j'étais attablée dans une pizzeria, j'ai observé une bande de 4 jeunes, dont l'un était manifestement le chef : ils avaient les poches pleines de paquets de billets qu'ils n'arrêtaient pas de compter et de s'échanger les uns les autres. Je n'ai pas compris leur manège... j'en ai parlé au guide qui m'a juste dit qu'il les connaissait.... Preuve supplémentaire que tout se sait mais que le silence est la règle.
J'ai eu la chance d'assister à une distribution dans une "boulangerie d'Etat" (panaderia), où les gens viennent pour acheter la quantité de pain à laquelle ils ont droit avec leur « libreto » : le camion est arrivé avec des sacs de farine et tout le monde s'est précipité, ça a presque fait une émeute !
A côté, des grand-pères jouaient tranquillement aux dominos sur le trottoir : le flegme cubain ...
Enfin ce soir je suis retournée à la Plaza Mayor où je sais que tous les jours la musique y bat son plein. C'était génial, un groupe de 5 musiciens créoles, cheveux longs et bandanas, ont chanté et joué tout en dansant des chansons du Buena Vista Social Club : superbe ! une ambiance de folie... tout le monde s'est mis à danser dans la rue, même sur les marches d'un escalier !
Sur le chemin du retour, vers 21 heures - une exception ! - je suis entrée dans une grande salle où j'avais aperçu des enfants apprenant à danser...tout le monde danse ici, et comme les portes sont grandes ouvertes à cause de la chaleur, on entre, on discute, on échange, on fait des photos, ça ne dérange personne. A Cuba, d'une façon générale, les gens acceptent très facilement qu'on les photographie.
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