Après 4 heures de bateau "lent" sur le Mékong, (une heure de plus que d'habitude car le niveau de l'eau est très bas et il faut sans cesse zigzaguer pour éviter les rochers), me voici de retour au village de Yoi Hai, chargée de plusieurs dizaines de kg de peinture et de matériel acheté à Luang Prabang, pour reprendre contact avec le village, les enfants de l'école, essayer de les sensibliliser à l'art de la peinture ! ... tenter aussi de mettre en route un "jumelage" avec une classe de CE 2 où mon amie Sylvie est institutrice dans une école de Nantes...
Départ de Luang Prabang et le Mékong :
Arrivée au Kamu Lodge, l'éco-lodge qui jouxte le village Kamu de Yio Hai, et la tente dans laquelle je suis logée :
Un endroit très authentique que je recommande : www.kamulodge.com où il est possible de se rendre avec l'agence Exotissimo (www.exotissimo.com).J'en profite ici pour remercier les dirigeants d' Exotissimo d'avoir accepté mon projet, de m'avoir aidée à le réaliser. Un grand merci aussi à Olivier, pour son accueil si chaleureux au Kamu Lodge, son agréable compagnie, et son aide si efficace !
L'ethnie Khamu (ou Kamu, ou Khamou)
Une ethnie est un groupe humain possédant un héritage socioculturel commun (langue surtout, religion, coutumes, ressemblances physiques, histoire, traditions...)
Le gouvernement laotien a simplifié la diversité des ethnies du Laos en découpant celle ci en 3 groupes :
- les laotiens des plaines "Lao Loum"
- ceux des montagnes "Lao Theung"
- ceux des hautes montagnes "Lao Soung"
On regroupe actuellement environ 130 ethnies et sous-ethnies différentes en 4 groupes linguistiques :
- la famille Tai-Kadai - ou Austro-Thai - (à peu près 55% de la population totale
- la famille Austro-Asiatique (30%)
- la famille Mia-Yao (10%)
- la famille Sino-Tibétaine (5%)
La famille Austro-Asiatique (austro signifiant "sud") dispose de 47 ethnies et sous ethnies dont les KHAMU. Eux-mêmes divisés en au moins 6 groupes : les khamu Ou, Rok, Lu, Me, Khong, Keun. Les Khamu seraient arrivés au Laos par le sud il y a plus de 10 siècles. D'autres disent qu'ils seraient arrivés, au moins pour partie d'entre eux, de la province chinoise du Yunnan . Ils sont aujourd'hui présents dans les 9 provinces du nord du Laos. les Kamu étaient parfois appelés péjorativement "khaa" ce qui signifie esclave parce qu'ils ont servi de main d'oeuvre aux populations d'immigrés thaï il y a plusieurs siècles et plus récemment sous la monarchie lao. Aujourd'hui ils travaillent encore souvent au service des Lao Soung. Leurs échanges reposent sur la troc. Ils ont un niveau de vie nettement inférieur à celui des 3 autres groupes linguistiques. Ils pratiquent généralement la culture sur brûlis, vivent du riz des collines, du café, du tabac et du coton. Cultivent de plus en plus leurs légumes et leurs fruits. Leurs villages sont installés près des cours d'eau supérieurs, leurs maisons de bois et bambou sont sur pilotis courts ou posées même le sol, avec des toits en paille soutenues par des poutres croisées. mais ceci évolue et dans le village de Yio Hai les constructions en parpaing commencent. Ils n'ont ni l'eau courante, ni l'électricité. Se lavent soit dans l'eau du Mékong, soit à celle qui descend de la montagne. De tradition animiste, ils pensent que le corps est habité d'esprits (entre 30 et 300). Même le riz en contient plusieurs qui sont associés et célébrés cérémonieusement lors du rituel annuel du sou khouan khao, fête basi . Ils boivent de la bière de riz, le lao lao, un alcool fort. Leur esprit communautaire est très fort. Un chef, entouré "d'adjoints" "dirige" le village, donne ses conseils ... suivis ou pas. Les Lao ne disent jamais "non", mais n'en pensent pas moins.
Quant à la langue Kamu, elle et classe parmi les langues khmuiques, branche des langues môn-khmer (Asie du S-E), elles mêmes faisant partie du groupe des langues austro-asiaques. Elle est également parlée par des communautés importantes de Thaïlande et du Vietnam, ainsi que par des groupes réduits de Chine et e Birmanie.
Je n'ai pas pu apprendre grand chose par les Kamu eux-mêmes, à cause d'un problème de langue bien sûr, mais aussi peut être, parce que ce sont des gens qui n'aiment pas parler d'eux, sont de nature discrète et silencieuse avec les étrangers. Il faudrait beaucoup de temps je crois pour que s'établisse une vraie relation de confiance et d'amitié avec les adultes. Avec les enfants, c'est beaucoup plus facile.
J'ai pu cependant rencontrer le Chef du village, l'istitutrice et l'instituteur, heureusement aidée par "Toï", un garçon du village formidable qui m'a servi d'interprète car il parle anglais. J'ai pu avoir les clés des classes et commencer un travail de collage des photos que je leur avais apportées, photos prises lors de mon dernier passage il y a 2 ans. Je leur ai aussi donné les documents que Sylvie m'avait remis de la part de ses élèves, pour tenter d'organiser le "jumelage".
Voici le chef du village, Toï au centre et l'instituteur :
Toï traduit la lettre des enfants de France:
Mais inutile de dire, que ce sont les adultes qui ont fait tout ça, les enfants, eux n'étant pas, je pense suffisamment "matures", ne se sentant pas impliqués , ne comprenant pas ce que tout cela pouvait signifier, compte tenu de leur culture ... C'est tout simplement en dehors de leur monde à eux et il faut le respecter.
Ce sont des enfants intelligents, ils savent tous à peu près écrire et lire à la fin de leur scolarité primaire à l'école du village, mais ensuite ...
Ils savent se débrouiller tout seuls, bien mieux que ne le feraient les enfants de chez nous : ils travaillent beaucoup au village pour aider leurs parents, portent de gros sacs de riz ou de bois sur leur dos, pêchent, chassent à la fronde et à l'arbalette ... Leur état de santé est souvent catastrophique : beaucoup de blessures qui s'infectent. J'ai passé une après midi entière à essayer de les soigner avec ma trousse de médicaments et les pansements qu'Olivier, le manager du Kamu Lodge a bien voulu me donner. Le nombre de petits enfants et de bébés est très important. Il y en a partout. Je n'en ai jamais entendu un pleurer !
Je n'ai guère vu les 2 instituteurs, excepté PAM la jeune femme qui a un bébé de 3 mois et qui est venue me voir 2 ou 3 fois, s'essayant même à la peinture son bébé sur le ventre!
Avec souvent bien des difficultés pour me procurer les clés qui ouvrent les cadenas des classes, je suis allée à l'école tous les matins et tous les après-midi, soit environ 5 à 6 heures par jour car ensuite les enfants ne tenaient plus en place.
J'ai rencontré des enfants exceptionnels, notamment une petite fille "Soukssavan" âgée de 11 ans qui a, spontannément, et avec beaucoup d'intelligence, fait tout ce qu'elle pouvait pour m'aider. Un soir, je l'ai emmenée au lodge prendre un verre de jus d'ananas, et ensuite une douche dans ma tente car elle s'était mis de la peinture partout. Il faut dire que nous avons peint avec tout le matériel (pots de peinture, pinceaux, pots à eau etc... par terre, ce qui n'a pas facilité les choses!).
Soukssavan (à gauche) et Yiota (à droite) :
Voici quelques uns de leurs dessins, essentiellement des "têtes", ils adorent ! leur village et leur hutte, avec Pam l'institutrice et son bébé :
Le soir de mon départ, les gens du village m'avaient réservé une surprise : ils m'ont invitée à dîner dans une de leur maison. Tous les personnalités importantes du village étaient là. J'ai été remerciée, fêtée, j'ai eu droit à la cérémoie du baci, et à une magnifique "boîte à riz" en bambou dont on m'a dit qu'il avait fallu plusieurs années pour le fabriquer.
Quelques photos du village relié au Kamu Lodge par un petit pont de bambou, et du temple :
Voilà, mon séjour avec les enfants de Yio Hai se termine. Je souhaite qu'il ait servi à quelque chose, à leur faire découvrir le plaisir de la peinture, à nouer des liens avec l'école de Nantes, et que tout cela aura une suite ... Ce qui est sûr c'est que les enfants ont été manifestement ravis .... et moi aussi !
Au revoir et merci !
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