La « messe de Noël » fera partie, je crois, d'un des plus grands et plus émouvants moments de mon voyage.
Dimanche 28 décembre, 9h, me voici devant la petite église blanche et verte dont les marches sont déjà pleines de monde .... un prêtre venu de Santiago, d'un rang assez élevé si j'en juge par son habit blanc brodé d'or, et le respect que tous semblent lui témoigner, serre les mains des fidèles sur le parvis... je fais donc comme les autres, je me présente et il me souhaite - en français - la bienvenue « dans la maison du Seigneur. »
L'église est déjà pleine à craquer, je compte environ 1000 personnes tous Pascuans, sauf peut-être une dizaine de touristes dont je fais partie ...je me faufile devant, et trouve une place libre au bout du 6ème rang ... il fait chaud .... je m'assois donc lorsque je réalise que je me trouve au milieu d'un groupe de musiciens : des guitares, deux accordéons, une sorte de mandoline, un accordéon et des tambours.
Assise sur la droite le long du mur avec sa mère et son frère, une très jolie fillette d'une douzaine d'années (à droite en haut), fait manifestement la tronche, pas contente du tout d'être là !!
Les prêtres et autres participants, tous en blanc, arrivent en grande pompe par l'allée centrale.
Le grand prêtre nous souhaite la bienvenue dans toutes les langues et dit quelques mots en espagnol.
La petite fille qui faisait la tête, se lève, pieds nus, mini jupe .... et sans complexe va chercher ....un tambour caché derrière l'hôtel : elle revient à sa place et d'un geste sec coince le djembé entre ses cuisses !
Et puis un jeune arrive et se colle contre moi, en bout de banc ... alors pour ne pas gêner (ils sont quand même chez eux ! ), je me déplace et je vais m'assoir à côté de la jeune fille au djembé..
Là je m'aperçois que le jeune garçon qui vient d'arriver, très gros, est manifestement trisomique (avec le pull rouge sur la photo), mais les autres l'accueillent très bien...
Alors là, tout d'un coup, la jeune fille se met à taper sur son tambour, le jeune trisomique sort un harmonica de sa poche et toute l'église s'emplit de chants et de musique d'une incroyable beauté ! De quelque chose de très fort, de très profond, de très « vrai » ... les gens chantent dans leur langue, le rapanui, très haut, sans complexe, avec une évidente foi qui vous prend aux tripes sur une musique mi-rock mi-blues, très rythmée qui n'appartient qu'à eux. Je dois avouer que j'ai eu les larmes aux yeux !
Sans doute aussi l'émotion de savoir ma famille si loin de moi en un moment si intense.
Soudain, POUF!
Je sens un gros poids me tomber dessus : c'est la femme assise juste à côté de moi qui s'évanouit ! (il faut toujours que ça tombe sur moi des trucs pareils !) Tandis que les gens continuent de chanter – il y en a même une qui se met à danser! - petit remue ménage de mon côté pour allonger la dame. Je lui mets mon sac sous la tête, un médecin arrive et dit que ce n'est rien, on l'asperge d'eau et finalement, elle reprend ses esprits et sort prendre l'air : OUF !
La messe qui a suivi pendant une heure et demie, a été tout simplement magnifique d'un bout à l'autre, avec un très beau sermon ne manquant pas d'humour (sur le thème de la famille justement, en ce jour de «Santa natividad »! ), tantôt en latin, tantôt en espagnol, tantôt en rapanui, et surtout des chants, beaucoup de chants et de la musique, à en faire trembler les vitraux de la petite église ! Quelques chants religieux bien sûr, connus de tous les catholiques, mais surtout des chants traditionnels relatant probablement l'histoire de l' île... des ancêtres. Et j'ai compris alors la longue litanie des noms qui avait précédé le début de la cérémonie.
Le jeune malade, de temps en temps, sortait son mouchoir de sa poche pour chatouiller le nez de son voisin guitariste qui lui faisait les gros yeux. Alors il remettait son mouchoir dans sa poche ..... mais, comme pour se venger, sortait son harmonica au bon moment pour envoyer un son bref mais sonore, de sorte que tout le monde se retournait pour lui lancer un regard noir !! Replacé dans le contexte, je vous assure que c'était trop drôle !!
En fait, dans l'église, un peu partout, des gens étaient venus avec leur instruments de musique, en vêtements de tous les jours, avec leur vieux jean, leur bandana et leur tongs, juste pour participer ....
Comme lors du repas de Noël, j'ai senti une communauté extrêmement soudée... enfin pour ceux qui étaient à la messe en tout cas !
D'une manière générale les Pascuans sont extrêmement fiers d'eux, (voire parfois un peu hautains), de leur histoire, de leur style de vie. J'en ai encore eu la confirmation en regardant un film de 2008, projeté cet après midi au Musée Historique.
Mais ils ont aussi le sentiment que cela ne va pas durer très longtemps. Certains disent que c'est la dernière génération à vivre ainsi, si attachée à ses traditions. Ce n'est pas impossible!
En tout cas, si vous venez un jour à l'Ile de Pâques, venez à Noël : rien que pour la messe , ça vaut le déplacement !!
commentaires